Ferme de Froidefontaine : la nature, l’agriculture et l’humain

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26/11/2020
Ferme de Froidefontaine : la nature, l’agriculture et l’humain

Cet article sur la Ferme de Froidefontaine est le premier article d’une série sur les fermes qui ont inspiré et nourri le projet de Fermes en Vie. Nous pensons que ce type de lecture est essentiel lorsque l’on amorce un projet d’installation agricole sur une ferme et ce pour trois raisons : rêver, apprendre et construire.

  • Rêver face à un projet qui vous parle et qui a des valeurs fondatrices similaires au vôtre.
  • Apprendre de l’inventivité, mais aussi des doutes et des erreurs de ceux qui ont tenté l’aventure avant vous.
  • Construire votre endroit, votre ferme, votre activité et votre futur en vous projetant dans d’autres récits de projets.

Pour notre première ferme, nous avons choisi la Ferme de Froidefontaine en Belgique. C’est une ferme diversifiée, c’est une ferme collaborative et c’est une ferme en agroécologie.

La ferme de Froidefontaine : la nature, l’agriculture et l’humain

Quelques  éléments factuels:

  • La Ferme de Froidefontaine est située en Belgique ;
  • Elle a été créée en 2017 ;
  • Elle couvre 53 hectares (19 ha de cultures, 25 ha de prairie permanente, 2 ha de verger, 3 ha de bois) et 6000m2 d’infrastructures ;
  • Froidefontaine comporte trois volets d’activités (agriculture, formation et hébergement) ;
  • La ferme a des ambitions écologiques zéro-émission carbone et de développement de zones naturelles protégées (le maillage écologique) ;
  • Aujourd’hui le volet agriculture regroupe plusieurs producteurs, artisans et entrepreneurs agricoles. On retrouve cinq ateliers de production (deux maraîchers, un atelier de grandes cultures, un atelier de volaille de chair et un apiculteur), et trois ateliers de transformation (une savonnerie, une cidrerie et un atelier d’encres et de teintures végétales). A terme, il y a de la place pour 15 à 20 activités.
“Froidefontaine est une ferme Pleine de Vie [NDLR : promis nous ne nous sommes pas donnés le mot…], une ferme diversifiée qui fait progresser l’agriculture écologique tout en nourrissant les corps, les esprits et les cœurs. Inspirés des écosystèmes naturels, nous bâtissons une ferme qui repose sur une multitude d’éléments en interaction. Ce sont les différentes activités de la ferme qui en font un ensemble unique, attractif et résilient.”

(Les fondateurs de la ferme de Froidefontaine)

La raison d’être de la ferme de Froidefontaine se concrétise dans les trois mots-clés suivants : l’humain, la nature et l’agriculture. Dans cet article nous nous concentrerons davantage sur le volet agriculture. Mais il est évident que les trois aspects sont intrinsèquement liés entre eux et interdépendants.

Nature, Humain et Agriculture

Un modèle de fonctionnement de la ferme de Froidefontaine s’inspirant des incubateurs d’entreprise

Les fondateurs de la Ferme de Froidefontaine ont fait, comme beaucoup, le constat d’un système agricole qui a besoin de gagner en résilience, en diversité et en pratiques écologiques. Forts de ce constat ils ont voulu apporter deux réponses complémentaires à ces enjeux :

  • un modèle d’incubateur rural pour donner facilement accès à du foncier à des petits acteurs, les partenaires-producteurs. Ces derniers peuvent ainsi développer leur activité de façon pérenne  et économiquement viable.
  • une activité recherche-action plus scientifique, en partenariat avec des universités pour mesurer et analyser les impacts écologiques des pratiques de la ferme.

Le modèle d’incubation rurale est très intéressant. Comme dans les incubateurs de nouvelles entreprises dans les villes, cette structure mutualise toutes les tâches qui s’éloignent du cœur de métier des membres (comptabilité, finance, légal, administratif). Ainsi ces derniers peuvent se concentrer sur leur savoir-faire, ici la production agricole. En sus de cette proposition de valeur, l’incubateur facilite l’accès à des porteurs de projet à du foncier et à du financement (via des investisseurs tiers). Les producteurs bénéficient également d’une forte identité commerciale commune et enfin de synergies entre des acteurs aux savoir-faire différents mais partageant des infrastructures communes. Si la commercialisation est laissée aux mains de chaque producteur/artisan au vu de la diversité des saisonnalités et des produits, elle se fait exclusivement en circuits courts.

A terme, la Ferme de Froidefontaine aimerait développer une activité de transformation agricole mutualisée entre les producteurs . Cela leur permettra d’augmenter la valeur ajoutée des produits de la ferme.

Schéma ferme de froidefontainer

Une indépendance au quotidien et un soutien lors des grandes étapes de développement

Comment fonctionne cet incubateur en pratique ? La ferme de Froidefontaine est constituée d’un côté d’une coopérative, structure chapeau, qui regroupe les trois cofondateurs. De l’autre côté on trouve les producteurs/artisans organisés dans des structures juridiques individuelles. Chaque producteur a sa propre société en commandite formée avec la coopérative.

Grâce à ce système, le producteur bénéficie de stabilité et de soutien durant les grandes phases de son projet (installation et développement).

  • Stabilité car grâce à un système de bail emphytéotique (mot compte triple) de 27 ans, le coopérative détourne une difficulté du système foncier belge de bail à la ferme (bail rural). Ce sytème rendait l’accès à la location de foncier difficile et précaire pour les agriculteurs. Dans le cas présent, tant que l’agriculteur respecte le cahier des charges écologique défini par la coopérative, il bénéficie d’un accès à la terre assuré sur une durée longue (déterminée à l’avance), un partage du coût lié aux investissements et un partage des risques de pertes.
  • Soutien car les coopérateurs gèrent la recherche de financement externe pour accompagner les producteurs dans leur projet agricole. Par exemple en 2019, ils ont réussi à obtenir 144 000€ via des investisseurs privés pour le projet d’élevage de volailles La Poule qui Roule.

En outre, la charte agroécologique de Froidefontaine reprend le cahier des charges de l’agriculture biologique en y ajoutant des critères plus contraignants sur la vie des sols, la séquestration de carbone ou la circularité dans l’organisation.  

Le producteur reste indépendant dans toutes les décisions agricoles et de commercialisation à condition que celles-ci suivent la charte agroécologique de la ferme.

Pour des sujets d’importance particulière, la décision est prise en assemblée générale (donc avec la coopérative). Le producteur peut bénéficier de services comme des conseils agronomiques, la gestion comptable et juridique ou l’accès à des outils partagés. Risques et bénéfices sont partagés. Tant qu’il n’y a pas de bénéfices dégagés, le porteur de projet ne paye pas de redevance à la coopérative. Puis,  la rétribution de l’agriculteur est fixée et évolue en fonction du résultat de la société. Si au terme de l’année et après paiement des charges et rétribution de l’agriculteur, la société en commandite a fait un bénéfice, il est alors partagé entre l’agriculteur (70%) et la coopérative (30%).

Photo de ferme

Des producteurs-partenaires satisfaits de ce modèle atypique

Quel est le retour d’expériences des premiers intéressés par ce projet ? Benjamin Niot a une activité de grandes cultures et de légumes de plein champ. Il suit la charte de l’agriculture biologique et pratique l’Agriculture de Conservation des Sols (ACS). Les premières années, il a produit un mélange fourrager (pour nettoyer les terres) et quelques légumes de plein champ que ne peuvent produire les autres maraîchers de la ferme (carottes, pommes-de-terre, oignons). Il y a une véritable complémentarité entre son activité et celles des autres. Un de ses objectifs principaux est d’alimenter les partenaires de la ferme en matières premières. Sa production principale est celle de céréales pour les poulets de Julian, producteur-partenaire également. Il a pu se rémunérer au bout de la troisième année, l’installation ayant demandé un certain nombre d’investissements sur les deux premières saisons. En parallèle, il continue d’exercer une activité d’architecte en formation.

Pour lui, le modèle de Froidefontaine lui donne l’avantage d’avoir un bon nombre de partenaires de la ferme comme clients. Cette proximité lui donne la possibilité de discuter en direct de la qualité du produit et des attentes de chaque partie. C’est une façon de travailler satisfaisante et saine. S’il a fait le choix de Froidefontaine, c’est pour la vision alternative de l’agriculture du projet. Il y a trouvé un accès facilité à la terre et à du bâti et une suppression des intermédiaires qui capturent des marges en mettant en relation directe avec le client final. Le choix était aussi motivé par l’équipe, dynamique, enthousiaste et professionnelle, de la coopérative qui apporte une aide dans les problématiques techniques, financières et parfois aussi relationnelles.

Quant à Julien Kinard, il est éleveur de poulets de chair. Il a créé La Poule qui roule à Froidefontaine,  un élevage de Coucous de Maline. Il est en agriculture biologique et avec un système de poulailler mobile. Pour lui, ce qui fait la différence dans cette aventure est de pouvoir avoir confiance en une équipe qui a des compétences dans des services complémentaires à l’activité purement agricole (compétences juridiques, légales ou encore comptables).

Pour Roger Divan, fondateur de la bien connue Cidrerie de Condroz, chaque nouveau projet à Froidefontaine enrichit les personnes présentes, la qualité des produits et l’ensemble de la ferme.

Enfin pour Renaud Devries, un des deux maraîchers du projet, qui a la particularité d’être “un NIMA“ (Non Issu du Monde Agricole), le concept de Froidefontaine était le seul moyen pour lui d’accéder à la terre. Il commercialise ses produits à la ferme une fois par semaine et le reste du temps via un réseau d’AMAP à Bruxelles.

Buvez du cidre, vous vivrez vieux !

Une ferme qui nous a enthousiasmé-es

On ne sait pas pour vous, mais nous on a hâte que le confinement s’arrête (15 décembre si on est sage) et que l’on trouve une excuse pour aller visiter Froidefontaine (une petite dégustation de cidre belge ?) ! Car ce projet renforce notre conviction qu’un juste milieu entre indépendance et mutualisation/collaboration  apporte une vraie force à une structure agricole. Que diversifier sa production pour avoir un système écologiquement équilibré et qui puisse fonctionner en circularité apporte de la valeur ajoutée. Et enfin que faciliter l’accès au foncier et au bâti est un élément clé dans l’installation. Leur concept d’incubateur rural nous plaît énormément. C’est cet esprit que nous voulons insuffler dans les futures Fèves de Fermes En ViE !

Et puis, petit bonus qui nous (me) plaît, la ferme de Froidefontaine collabore avec un organisme de formation,  Schumacher Sprouts. Cette organisation propose aux visiteurs des formations similaires à celles du Schumacher College en Angleterre. Il s’agit de formations qui se centrent sur la terre, l’humain et la société et mêlent de nombreuses disciplines afin d’aider les individus à affronter les enjeux écologiques et sociétaux actuels. Le Schumacher College est un lieu où la rédactrice de cet article (a.k.a. moi)  s’est formée en maraîchage donc forcément le choix de la ferme fut un peu biaisé. Mais je m’égare… ici le sujet principal était bien la Ferme de Froidefontaine et son volet agricole. Et concernant Schumacher Sprouts vous pouvez en savoir plus ici !

Marguerite Legros

Le site de la ferme de Froidefontaine

Photo de prairie

Source des photos : Ferme de la Froidefontaine

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