Déclarée « bien commun de la nation » en 1992 après deux années de forte sécheresse, l’accès à l’eau semble se politiser lorsque l’on vient à en manquer. Comment se décident les politiques liées à l’eau ? Qui est en charge de quoi ? Quels impacts pour l’agriculture ? Retour sur l’organisation de la gestion de l’eau sur le territoire et immersion dans la direction Biodiversité, Paysage, Agriculture et Alimentation de la métropole de Montpellier, auprès de Johan Coulomb, chargé de mission Eau & Agroécologie qui nous raconte ses missions au quotidien.
En France, la gestion de l’eau dépend de différentes organisations :
Les politiques de l’eau sont définies par territoire, via des schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE). Ces orientations sont élaborées à l’échelle des bassins hydrographiques et adoptées par les comités de bassin, au sein desquels toutes les parties prenantes sont représentées. Elles sont revues
tous les six ans.
La politique des SDAGE est concrétisée sur chaque territoire par des Programmes d’actions, financés par les Agences de l’eau (qui dépendent du Ministère de la Transition écologique), les établissements publics de l’État, les collectivités territoriales et les fonds européens.
La Cour des Comptes émet des réserves dans son rapport annuel 2023 sur cette organisation de la gestion de l’eau en France :
La Cour des Comptes encourage donc à suivre davantage la géographie de l'eau et structurer les politiques autour du périmètre des sous-bassins versants, mais aussi à allouer plus de moyens à cet enjeu particulièrement stratégique.
Dans la région de Montpellier, les tensions liées à l’accès à l’eau sont une réalité depuis de nombreuses années déjà. Sécheresses estivales à répétition, précipitations violentes suivies d’inondations lors d’épisodes cévenols à l’automne… S’il y pleut en moyenne autant qu’en région parisienne (700 mm/ an environ), l’enjeu principal est de retenir l’eau sur le territoire pour y garantir un accès à moindre coût et maintenir des productions agricoles qui en dépendent.
La métropole de Montpellier, qui regroupe 31 communes, est donc responsable de la préservation de la ressource sur son territoire, à la fois urbain et rural. Johan Coulomb est chargé de mission Eau & Agroécologie à la métropole de Montpellier depuis 2017, au sein de la direction Biodiversité, Paysage, Agriculture et Alimentation avec l’appui de l’Agence de l’Eau. Il nous raconte les enjeux de ce territoire et ses principales missions au quotidien.
Nous avons deux types de ressources :
Cependant, nous sommes conscients de la fragilité de ces systèmes : diminution du niveau des nappes souterraines, diminution du débit des cours d’eau… Il est donc indispensable d’agir dès maintenant pour préserver cette ressource.
Nous avons la charge d’assurer un accès à l’eau, tant quantitatif que qualitatif sur le territoire, notamment auprès des agriculteurs qui en sont particulièrement dépendants. Pour cela, nous menons au maximum des actions préventives, gratuites et proposées aux agriculteurs sur la base du volontariat.
D’un point de vue qualitatif, nous accompagnons les agriculteurs à réduire leurs usages de produits phytosanitaires et à envisager une conversion au bio. Cela peut passer par un pré-diagnostic d’opportunité au Bio de leur exploitation, un accompagnement pour obtenir des aides à l’investissement (équipement de désherbage mécanique plutôt que chimique par exemple). Nous ajoutons aussi des clauses environnementales dans nos baux ruraux, qui obligent à être en bio sur certaines parcelles ou bien à adopter des mesures agro-écologiques (plantation de haies…).
Pour ce qui est du quantitatif, nous accompagnons à limiter les prélèvements d’eau des forages et encourageons les agriculteurs à retenir au mieux l’eau sur leurs parcelles, via des aménagements hydrauliques, des plantations de haies, en cultivant perpendiculairement à la pente ou en augmentant le taux de matière organique présente dans les sols.
De manière générale, nous promouvons la diversification pour limiter les risques, et particulièrement le choix de filières à faible impact environnemental (de la culture à la transformation puis la commercialisation). Sur notre territoire, nous travaillons ainsi à l’implantation de céréales rustiques, notamment le petit épeautre, et à des légumineuses, comme le pois chiche et les lentilles. Dans les deux cas, les cultures sont adaptées au territoire, peu gourmandes en eau et en pesticides et disposent de marchés mûrs localement et facilement activables via les cantines scolaires ou universitaires.
Nous travaillons en lien étroit avec de nombreux partenaires (CIVAM, Chambre d'Agriculture, etc.) mais aussi la communauté scientifique présente localement. En effet, nous encourageons les chercheurs à étudier différentes pratiques agricoles et leur impact sur la ressource en eau, par exemple le lien entre matière organique, réserve utile et besoin d’irrigation, ou entre plantation d’arbres et micro-météos… Ces études nous permettent de disposer de chiffres adaptés à nos conditions pédo-climatiques, qui sont une précieuse base de discussion auprès des agriculteurs.
Pour moi, la phase d’installation est la plus propice pour sortir des cadres préétablis. C’est le moment d’envisager des solutions plus résilientes et de s’ouvrir à des cultures que l’on n’avait pas forcément envisagées dans un premier temps. Je conseillerais vivement d’intégrer la question de l’accès à la ressource en eau dès la conception du projet, en s’appuyant sur les différents scénarios climatiques. Mais aussi de sortir des cadres de référence propres à chaque territoire et d’assurer une diversification de cultures pour durer sur le long terme. Et bien sûr, de se rapprocher des instances locales qui ont une compétence dans la gestion de l’eau pour voir si des programmes d’accompagnement existent, et en bénéficier.
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