Entre montée des attentes environnementales, perte de repères des consommateurs et besoin de transformation du modèle agricole, la question des labels n’a jamais été aussi centrale. Parmi eux, un dispositif a particulièrement fait parler de lui ces dernières années : la certification HVE (Haute Valeur Environnementale).
Au 1ᵉʳ janvier 2024, la certification HVE concerne 38 351 exploitations en France, tandis que le label Agriculture Biologique en compte 61 853. Deux démarches souvent confondues, mais dont les logiques et les niveaux d’exigence sont très différents.
HVE repose en effet sur une philosophie distincte : plutôt que de rompre avec les intrants chimiques, elle vise une amélioration globale des pratiques de l’exploitation. Mais entre promesses, controverses, exigences et impact réel, que vaut réellement ce référentiel ?
Cet article propose de faire le point, de manière claire et factuelle, sur les différences, les forces, les limites et les enjeux plus larges portés par ces deux démarches.
Qu’est-ce que la certification HVE ?
La Haute Valeur Environnementale (HVE) est une certification environnementale d’exploitation agricole, créée par le ministère de l’Agriculture. Contrairement au label Bio, qui porte sur le produit et toute la filière qui le transforme, HVE s’intéresse uniquement à l’exploitation : ses pratiques, ses équilibres agroécologiques, sa manière de gérer les ressources.
Une certification d’exploitation, pas un label produit
Pour obtenir la certification HVE, une exploitation doit atteindre des résultats mesurables dans quatre grands domaines :
- Biodiversité : présence et entretien d’éléments agroécologiques (haies, bandes enherbées, prairies permanentes, bosquets, mares…), diversité des cultures, maintien d’habitats pour la faune.
- Stratégie phytosanitaire : réduction de l’usage des pesticides, raisonnement des traitements, recours aux alternatives biologiques ou mécaniques lorsque c’est possible.
- Gestion de la fertilisation : équilibrage des apports, limitation des risques de pollution des sols et de l’eau, optimisation de la fertilité des sols.
- Gestion de l’irrigation : suivi des volumes, économies d’eau, équipements performants et pratiques adaptées aux besoins réels des cultures.
La philosophie de HVE repose donc sur une « performance environnementale globale » : il ne s’agit pas seulement de supprimer un intrant ou d’adopter une technique, mais de montrer que l’exploitation respecte un ensemble d’équilibres écologiques.
Comment obtient-on la certification ?
L’obtention de HVE se fait sur volontariat. L’exploitation candidate doit faire l’objet d’une évaluation complète, menée par un organisme certificateur agréé par l’État :
- Un auditeur indépendant (AFNOR, ECOCERT, TERRAE, etc.) se rend sur l’exploitation pour vérifier, sur la base d’une grille officielle, la conformité aux exigences des quatre piliers (source : site du Ministère)
- Des indicateurs chiffrés (seuils à atteindre, proportion d’éléments agroécologiques, ratio intrants / production, part de cultures associées, etc.) permettent d’évaluer la performance environnementale.
- Si les seuils sont atteints ou dépassés, l’exploitation obtient la certification HVE niveau 3, la seule permettant l’usage du logo HVE sur les produits issus de l’exploitation.
La certification HVE peut être obtenue individuellement par une exploitation ou collectivement, via une coopérative, une cave ou un groupement d’agriculteurs qui mutualisent l’accompagnement et l’audit. Cette possibilité collective a facilité le déploiement rapide du label, en particulier dans certaines filières comme la viticulture.
HVE : les promesses
La certification HVE met en avant une volonté de réduire l’impact environnemental des exploitations, sans exiger un changement aussi profond que le bio.
Des pratiques agricoles plus durables
HVE affirme encourager une réduction des intrants chimiques, une gestion plus économe et raisonnée de l’eau et une meilleure protection de la biodiversité via le maintien de haies, bandes enherbées ou prairies. L’objectif : tirer l’ensemble des exploitations vers des pratiques plus respectueuses, même si elles ne sont pas prêtes à aller jusqu’au bio.
Des incitations financières pour accélérer la transition
Pour soutenir cette démarche, l’État a intégré HVE dans plusieurs dispositifs :
- les écorégimes de la PAC,
- les crédits d’impôt pour les exploitations certifiées,
- des accompagnements régionaux ou collectifs.
En résumé, HVE promet une amélioration progressive des pratiques, appuyée par des aides publiques destinées à faciliter le passage à un modèle plus durable.
HVE : une réalité plus controversée
Malgré les ambitions affichées, la certification HVE fait l’objet de nombreuses critiques. Plusieurs études, organisations environnementales et acteurs du bio remettent en question sa portée réelle.
Des exigences jugées trop faibles
Beaucoup de voix pointent la permissivité du référentiel HVE. L’usage des pesticides ou engrais de synthèse y reste autorisé, tant que l’exploitation respecte certains seuils ou ratios. Les critères seraient donc peu discriminants, permettant à des exploitations très proches du conventionnel d’obtenir la certification sans transformation profonde.
Une étude menée par l’Office Français de la Biodiversité (OFB) en 2022 va dans ce sens : elle conclut à « des exigences environnementales limitées et une grande diversité de performances environnementales selon les filières et les exploitations certifiées » (voir le résumé de l’étude Évaluation des performances environnementales de la certification HVE).
Un risque de tromperie
Le nom même du label : “Haute Valeur Environnementale” peut laisser penser à un niveau d’exigence équivalent ou proche du bio. Pour les associations de consommateurs et une partie du monde agricole, cela crée un risque de confusion : le consommateur peut croire acheter un produit très écologique, alors que le cahier des charges reste nettement en dessous du label bio.
Une enquête menée par Interfel en 2022 sur les fruits et légumes révèle que 55 % des personnes interrogées pensent que le label HVE repose sur un cahier des charges strict, 48 % estiment que les produits HVE sont strictement contrôlés et 44 % déclarent pouvoir leur faire entièrement confiance. Des résultats qui démontrent une perception très positive du label, souvent éloignée de la réalité.
Un soupçon de greenwashing
Enfin, certains acteurs dénoncent l’usage de HVE comme un outil marketing permettant de “verdir” des exploitations qui restent majoritairement conventionnelles. Le label deviendrait ainsi une porte d’entrée facile pour capter des aides environnementales, sans garantir un impact réel à la hauteur de sa promesse, d’où les accusations récurrentes de greenwashing.
Pour des organisations comme Générations Futures, la HVE apparaît comme « le label aux effets positifs les plus faibles et les moins avérés, quand bien même il revendique parfois un impact large et important. » L’association l’explique d’ailleurs très bien dans son étude de 2023 “Haute valeur environnementale (HVE) : Quelles différences avec l'agriculture bio ?”.
HVE et Bio : les points de comparaison
Si le Bio et HVE sont parfois présentés comme deux démarches complémentaires, leurs exigences et leurs impacts diffèrent fortement. Voici les principaux points de distinction.
Sur les intrants : un fossé clair
Bio → interdiction stricte des pesticides et engrais de synthèse. Le modèle repose sur l’absence totale d’intrants chimiques et sur des pratiques agronomiques alternatives.
HVE → usages autorisés, mais “maîtrisés”. L’exploitation doit réduire et raisonner ses traitements, mais peut continuer à utiliser des produits chimiques.
Sur la biodiversité : effets structurels vs critères spécifiques
Bio → amélioration structurelle de la biodiversité. Sans pesticides de synthèse, avec des rotations longues et des sols plus vivants, la biodiversité repart naturellement.
HVE → conformité à des critères spécifiques et mesurables : haies, zones enherbées, diversité minimale des cultures.
Sur la transparence : le Bio protège mieux l’acheteur
Bio → contrôle filière + traçabilité du produit. Chaque maillon est audité : production, transformation, distribution.
HVE → contrôle uniquement de l’exploitation. Le logo HVE peut figurer sur un produit… qui peut pourtant avoir reçu des traitements chimiques.
Sur les contraintes et coûts : investissement vs ajustements
Bio → conversion exigeante et coûteuse, mais qui entraîne une véritable transition et permet une valorisation forte des produits.
HVE → démarche plus légère, plus rapide à obtenir, moins coûteuse, pensée comme une marche intermédiaire.
On récapitule ?
Conclusion : un écart d’impact qui reste net
Au terme de la comparaison, le constat est sans ambiguïté. Le Bio demeure aujourd’hui la seule démarche dont l’impact environnemental est solidement démontré. Cette conclusion est appuyée par des dizaines d’études scientifiques, dont celle menée par l’INRAE-Ifremer « Agriculture, aquaculture, pêche : impacts des modes de production labellisés sur la biodiversité », qui prouve entre autre que le Bio présente des niveaux de biodiversité significativement supérieurs aux systèmes conventionnels, avec une faune et une flore nettement plus variées. Ainsi qu’une moindre pollution des eaux et une quasi-absence de résidus chimiques dans les produits.
À l’inverse, la certification HVE souffre d’un écart entre sa promesse et sa réalité, un décalage largement documenté. Plusieurs organisations, la FNAB, UFC-Que Choisir, Générations Futures, ont même engagé un recours devant le Conseil d’État pour dénoncer un label jugé trompeur : exigences trop faibles, autorisation des intrants de synthèse, bénéfice environnemental insuffisant.
Les études de perception montrent par ailleurs que beaucoup de consommateurs pensent que HVE garantit une absence de pesticides, ce qui est factuellement faux… et renforce les accusations de confusion, voire de greenwashing.
Certes, certaines exploitations progressent réellement grâce à HVE, mais les seuils retenus ne suffisent pas à garantir un impact significatif à l’échelle du pays. La plupart des experts, institutions indépendantes et acteurs du Bio s’accordent aujourd’hui sur un point :HVE ne peut en aucun cas être mise au même niveau que le Bio en termes d’exigence, d’impact ou de transparence.

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