L’épargne citoyenne au service de la transition écologique
Crowdfunding, Epargne Citoyenne, Epargne solidaire, crowdgiving, crowdlending, crowdequity… derrière ces différentes dénominations, on retrouve différents types d’épargne citoyenne et de financements participatifs. Ces types d’investissement / épargne connaissent une envolée ces dernières années. Cela s’explique par le niveau d’épargne important en France mais aussi par une volonté des citoyen·nes de donner du sens à leur épargne et à leurs investissements. L’épargne citoyenne et le financement participatif en agriculture est une aubaine pour la transition agroécologique. L’agriculture biologique et durable y trouve non seulement des liquidités, mais également un moyen de fédérer des citoyen·nes autour de ses projets.
1. Le financement participatif : comment ça marche ?
Le principe du financement participatif
Le financement participatif ou « crowdfunding » (littéralement « financement par la foule ») est une manière d’en appeler à une communauté de particuliers pour obtenir une somme d’argent. Le financement participatif est un moyen de ne pas passer par les investisseurs traditionnels que sont les banques, les fonds de pension ou les compagnies d’assurance. L’idée est de mobiliser l’épargne citoyenne pour aider à la réalisation d’un projet.
Le financement participatif est parfois envisagé comme la principale ressource économique.
Différents types de crowdfunding pour différentes contreparties
Il existe trois grands types de financements participatifs : le don, l’investissement et le prêt.
Le don :
- Le don sans contrepartie, ou crowdgiving, est le mode de financement participatif le plus connu du grand public. Il a, dans la majorité des cas, pour but le financement de projets d’intérêt général tels que des associations ou le soutien ponctuel à une cause. On pourrait qualifier ces donateurs·trices de philanthropes car ils et elles sont animé·es par une volonté de contribuer à une cause qui leur semble juste ou importante.
- Le don avec contrepartie est un moyen de financement très utilisé dans le lancement d’un produit ou d’une activité. L’idée est de débloquer une somme d’argent suffisante au lancement d’une activité en proposant des contreparties symboliques ou des préventes.
Même si ces dons sont généralement désintéressés, il est utile de noter qu’en France 66% du montant des sommes versées est déductible de ses impôts (dans la limite de 20% du revenu imposable).
L’investissement :
- L’investissement en échange de redevances (royalties) permet de lever rapidement des fonds auprès d’investisseurs qui ont confiance dans le projet en leur promettant un pourcentage du chiffre d’affaires futur. Ce type de financement n’est envisageable qu’avec des projets qui ont pour vocation de dégager une marge suffisante à moyen terme.
- L’investissement en capital est enfin un moyen de faire acheter des parts du capital d’une entreprise à une communauté de personnes. L’idée est que les investisseurs obtiennent des parts de la société comme des actions à ceci près que ladite société n’est pas cotée en Bourse. Ces parts restent souvent minoritaires (moins de 50%) mais permettent des levées de fonds plus importantes que les autres financements participatifs. Ce type de crowdfunding a plutôt cours dans les entreprises qui ont déjà quelques années d’existence et qui souhaitent se développer.
Parmi les quatre financements participatifs précédemment cités, les investissements n’ont pas de terme préalablement déterminé. En revanche, il existe des prêts participatifs (crowdlendings) qui, eux, sont des investissements à durée déterminée.
Le prêt
- Les prêts participatifs (crowdlendings) permettent de contracter des prêts auprès d’une communauté de petits épargnants. Ces personnes cherchent en général à donner du sens à leur épargne en choisissant elles-mêmes les projets dans lesquels placer leurs économies. Ces prêts peuvent donner lieu à des rémunérations des investisseurs·euses ou non, en général entre 4% et 6%.
Qui investit via des financements participatifs ?
Tout le monde peut participer à un financement participatif.
A l’inverse des « Business Angels » (littéralement Anges pour Entreprise), qui sont des personnes fortunées qui décident d’investir une somme conséquente d’argent dans une entreprise, la plupart des campagnes de financement participatif n’ont pas de « ticket d’entrée » ou un ticket très bas. Aucune authentification ou somme minimale n’est demandée à l’épargnant·e qui peut même rester anonyme s’il ou elle le souhaite.
En 2023, 2,089 milliards d’euros ont été collectés sur les plateformes de financement participatif, soit un recul de – 11,3% par rapport à l’année 2022. Depuis 2015, les chiffres ont été multipliés par 12x (sources: Mazars et FMP). Sous l’angle du nombre de projets, 2023 est une année record puisqu’on atteint 157 535 projets (+ 31 %). La progression du nombre de projets est essentiellement liée au crowdfunding réalisé sous la forme de dons par des particuliers et par les acteurs de l’économie sociale et solidaire (sources: Mazars et FMP).
Même si le terme de crowdfunding recouvre l’idée d’en appeler à une foule de personnes, la réalité est toute autre. Ce sont, pour l’immense majorité, des personnes proches du projet, qui ont une volonté forte de voir ce projet aboutir et qui ont confiance dans les porteur·ses de projet qui décident de contribuer.
Quels sont les frais liés au financement participatif ?
Le coût d’un financement participatif dépend du type d’investissement et oscille beaucoup selon les types et selon les plateformes. Cela peut aller de 0% à 10% des montants rassemblés.
Les dons (avec ou sans contrepartie) peuvent paraître plus avantageux car ils ne requièrent aucuns frais de dossier ou de gestion mais les plateformes de crowdfunding prélèvent en moyenne 7% des montants. Certaines ne prennent pas de frais obligatoires et demandent aux investisseur·ses de choisir le montant versé à la plateforme. Les investissements (en capital ou avec redevances sur le chiffre d’affaires) donnent lieu à des frais de gestion et des frais de dossiers qui reviennent en moyenne autour de 6,7% des montants.
Les prêts participatifs donnent souvent lieu à des frais de dossiers (jusqu’à 2000€) mais le risque de perte de mise de départ est bien moins important qu’avec les autres méthodes de financement participatif. Les investisseurs sont donc généralement plus enclins à prêter leur épargne disponible. Par conséquent, les Crowdlendings sont plus appropriés pour les investissements importants.
Quelles sont les conditions pour bénéficier d’un financement participatif ?
La communication est la clé de la réussite d’un crowdfunding.
Le financement participatif est ouvert à tous types de projets à condition d’avoir une communauté de contributeurs et contributrices impliqué·es, qui y trouvent un intérêt et du sens. Cependant, avoir un projet fédérateur ne fait pas tout, il s’agit ensuite d’être clairement identifié·e et présent·e sur les supports digitaux afin de se rendre accessible aux potentiel·les donateurs et donatrices.
Les projets qui ne semblent pas susciter suffisamment d’intérêt peinent parfois à passer les critères de sélection des plateformes de crowdfunding. En effet, le taux de sélection (le nombre de projets mis en ligne rapporté au nombre de projets reçus) sur les plateformes de financements participatifs est de l’ordre de 55 % pour les financements en dons et seulement de 5,5% pour les autres formes de financements participatifs (prêts et investissements) (source : Mazars).
Quels sont les avantages du crowdfunding ?
L’avantage premier du crowdfunding est, bien entendu, l’obtention de financements pour le développement d’un projet. Mais le crowdfunding a d’autres avantages qui le rendent, dans certains cas, plus intéressant qu’un prêt bancaire. En appeler à l’investissement participatif est un excellent moyen de communiquer sur son projet, de fédérer une communauté et de tester l’adhésion au projet de cette communauté avant même de développer ladite activité.
Obtenir un financement solidaire est un signal très positif sur les chances de réussite du projet et peut donc être un argument pour l’obtention d’un futur prêt bancaire.
Enfin, d’un point de vue plus holistique, la finance participative permet l’émergence de projets mus par des valeurs et plébiscités par les citoyen·nes. Ces projets n’auraient peut-être pas vu le jour en se basant uniquement sur leur rentabilité économique.
Se plier à l’exercice du financement participatif nécessite une transparence implacable et une vision claire du projet à venir. Seul·es les porteurs et porteuses de projet matures dans leur réflexion trouveront les ressources dont ils et elles ont besoin via le financement solidaire.
Une nouvelle législation en 2024
Une importante réforme du cadre législatif autour du financement participatif a été adoptée en 2024, le but étant d’encadrer et soutenir l’évolution de cette nouvelle forme de financement. Le but de la législation est de renforcer la protection des investisseur·ses et faciliter l'accès au financement pour un plus grand nombre d'entreprises. Elle ouvre notamment les possibilités de crowdequity à de nouveaux secteurs comme les technologies vertes et les infrastructures durables.
L'une des grandes innovations de la réforme de 2024 est la création d'un régime juridique spécifique pour les plateformes de financement participatif spécialisées dans les projets à impact environnemental et social. Cela vise à renforcer l’attractivité des secteurs plus durables ou clés dans les enjeux climatiques actuels comme les énergies renouvelables, l'économie circulaire ou la préservation de la biodiversité.
Par ailleurs, la nouvelle législation a renforcé les obligations de transparence et de communication pour les plateformes de crowdfunding, exigeant des informations encore plus détaillées et accessibles sur les projets et les risques associés. Cette transparence accrue vise à améliorer la confiance des investisseurs tout en leur offrant une meilleure compréhension des opportunités et des enjeux liés à chaque projet.
En complément, la loi de 2024 a également introduit des mesures pour simplifier les procédures d'investissement et réduire les coûts associés, rendant ainsi le financement participatif plus accessible, notamment pour les PME et les startups. Ces mesures visent à dynamiser l'écosystème entrepreneurial français, en offrant de nouvelles opportunités de croissance aux jeunes entreprises innovantes.
2. L’épargne citoyenne et le financement participatif agricole, un moyen d’investir dans la nature
Les chiffres du financement participatif dans l’agriculture française
Contrairement au secteur tertiaire, l’agriculture nécessite un investissement important à l’installation. La surface moyenne d’une exploitation agricole en France est de 63 hectares (source: Insee) pour un coût moyen de 6 000€/hectare (source : SAFER) à quoi il faut ajouter les bâtiments d’exploitation et d’habitation, le matériel et le cheptel. Ainsi, l’investissement initial à l’installation d’un projet agricole avoisine souvent le million d’euros. Historiquement, les agriculteurs et agricultrices ont recours à des prêts bancaires pour financer ces investissements, or les financements participatifs prennent de plus en plus de place face aux investisseurs institutionnels notamment grâce à l’apparition des foncières solidaires.
La tendance du financement participatif est en forte hausse . Un gros acteur comme Miimosa a annoncé en 2023, 970000 hectares de surfaces agricoles financés depuis sa création en 2014 soit 4% de la surface agricole française.
Que peut-on financer dans l’agriculture par de l’épargne citoyenne ?
L’épargne citoyenne peut être une solution pour presque tous les besoins d’investissement en agriculture.
Cet appel à l’épargne solidaire peut prendre différentes formes en fonction du type de financement :
- Le crowdfunding ou les préventes sont des moyens efficaces pour le lancement d’une petite activité comme la transformation de produits ou la distribution de paniers. Le crowdfunding est alors le moyen de faire connaître cette nouvelle activité tout en identifiant la communauté de potentiel·les client·es.
- L’achat de cheptel ou de petit matériel peut être assuré, au moins en partie, par un type de participation financière particulière : le parrainage. Le parrainage permet de financer l’acquisition de cheptel en échange d’une partie de ce que ce cheptel peut produire (avec l’aide de l’agriculteur) : fromage, miel, viande, etc.
- Enfin pour les achats qui demandent des levées de fonds plus importantes telles que l’achat de terres agricoles, les agriculteur·trices passent généralement par des prêts ou par des structures de portage du foncier agricole (qui acquièrent les terres puis les louent aux agriculteurs).
Financer le foncier agricole grâce à l’épargne citoyenne : une pratique de plus en plus courante
Comme pour le logement, les terres agricoles peuvent être louées via des baux ruraux à des exploitant·es. Cette pratique appelée le fermage représente aujourd’hui 70% des terres cultivées en France (Source : SAFER).
D’après les chiffres de la Mutuelle de Santé Agricole (MSA), la moitié des agriculteurs et agricultrices actuellement en activité vont partir à la retraite dans les 10 années à venir et de nouveaux·elles porteur·es de projets vont donc s’installer. Or, il est souvent difficile pour une personne qui s’installe de financer l’acquisition du matériel, du cheptel (s’il y en a un) et des terres. Le recours aux instituts bancaires n’est en effet pas toujours évident surtout lorsqu’on a peu d’apport d’où l’intérêt pour des solutions de portage foncier par des tiers.
Par ailleurs, les taux d’intérêt des placements financiers classiques (livret A, Assurance vie, PEA, etc.) étant moins avantageux que par le passé, l’intérêt pour l’investissement dans les terres agricoles est grandissant parmi les épargnant·es. Tout savoir sur comment investir dans la terre agricole.
La conjonction de ces deux facteurs fait souffler un vent favorable sur la finance citoyenne dans le secteur du foncier agricole. C’est pourquoi des acteurs comme Terra Hominis ou FEVE viennent compléter les offres des acteurs traditionnels comme Terre de Liens pour le financement des terres agricoles.
Quelles sont les plateformes d’épargne citoyenne et de financement participatif dédiées à la transition agroécologique ?
De nombreuses plateformes de crowdfunding et des sites internet permettant l’épargne citoyenne voient le jour ces dernières années dont certaines dédiées à la transition écologique et citoyenne et d’autres spécialisées pour le monde agricole ou encore dans le milieu du vin.
Le schéma ci-dessous présente, sans être exhaustif, les principales plateformes françaises sur les différents sujets qui touchent de près ou de loin l’agriculture et la transition agroécologique.
3. L’épargne citoyenne : un soutien essentiel à l’agriculture durable
Une alternative ou un complément aux prêts bancaires pour les porteur.euses de projet en agriculture durable
Depuis la fin de la Seconde guerre mondiale, les politiques agricoles incitent à l’intensification et à l’agrandissement des exploitations. Cette impulsion s’est notamment traduite par une mécanisation plébiscitée par des prêts bancaires alloués aux agriculteur·trices. Aujourd’hui, face aux enjeux environnementaux, la tendance est aux techniques novatrices comme l’agroécologie ou la permaculture. Ces nouvelles méthodes plus proches du vivant, sont parfois méconnues par les investisseurs institutionnels qui restent méfiants face à ce type de pratiques. Qui plus est, les banques fondent leur réflexion sur la rentabilité économique des projets avant d’accorder ou non un prêt. Les financements citoyens, eux, s’attachent davantage à l’impact écologique ou social de leur investissement plutôt qu’à la simple rentabilité économique et sont donc plus appropriés aux investissements en agroécologie.
Une autre particularité de ces nouveaux paysan·nes est qu’ils et elles ne viennent pas souvent du milieu agricole et n’héritent donc pas des terres et des outils. Le montant de l’investissement représenté par l’achat de foncier a été identifié comme le principal frein à l’installation par la Fédération Nationale des Syndicats d’Exploitants Agricoles (FNSEA) d’où un vrai besoin d’accompagnement financier complémentaire des financements bancaires.
Un mix entre du financement bancaire et du financement citoyen est parfois une très bonne alternative, le financement citoyen permettant, comme on l’a vu plus haut, de faciliter l’obtention de prêts.
L’épargne citoyenne en soutien à l’agriculture biologique ou paysanne
Face à ces besoins d’investissement d’un nouveau genre, le financement citoyen semble une réponse parfaitement adaptée aux nouveaux besoins de l’agriculture durable.
Ces dernières années ont souligné cette volonté citoyenne de participer à la transition alimentaire et agricole. Cette volonté s’est exprimée sous la forme de modifications d’habitudes de consommation (produits bio, locaux, réseaux AMAP) mais aussi par les 28 millions d’euros investis par les Français et les Françaises dans l’agriculture via les financements participatifs (source : Mazars).
Une communauté de valeurs : fédérer autour d’un projet de transformation agricole, un atout pour les circuits courts
Enfin, faire appel au financement participatif en agriculture est un moyen efficace de fédérer une communauté de personnes autour d’un projet engagé à forte valeur environnementale et sociétale.
L’épargne citoyenne et le financement participatif impliquent que les épargnant·es aient une interaction directe avec le projet qu’ils et elles soutiennent. C’est une manière de communiquer sur le projet, son avancement et permet de rapidement développer ses débouchés commerciaux, ce qui est d’autant plus important quand l’objectif est de commercialiser via des circuits courts.
Ce qu’il faut savoir pour lancer une campagne de financement participatif en agriculture