
L’interview - Questions / Réponses
Quel est ton parcours et pourquoi avoir créé FEVE ?
“J’ai fait des études d’ingénieur agronome, mais après AgroParisTech, mon côté ingénieur curieux m’a amené au code et j’ai entrepris dans la data. En 2013, on cofonde Dataiku à quatre : l’aventure passe de 4 à plus de 1 000 personnes et devient un leader mondial de l’IA. C’était fantastique… mais la question du sens grandissait en moi.
En 2020, j’avais beaucoup de questionnements et, lucide face à l’urgence écologique, j’ai décidé de changer de cap. Je suis revenu à mes premières amours : l’agriculture. Avec Simon Bestel et Vincent Kraus, on lance FEVE (Fermes En ViE) pour répondre à un verrou majeur : financer la reprise de fermes et l’installation en agroécologie, via une foncière accessible aux citoyens.”
Quelle est la mission de FEVE et comment ça fonctionne ?
“On veut faire notre part sur les enjeux de renouvellement des générations et de transition écologique de l’agriculture. Si on veut continuer à manger en 2030 des aliments produits localement et durablement, on a besoin d’installer plus d’agriculteurs et d’agricultrices — c’est essentiel.
On a créé des foncières qui rachètent des fermes, les mettent en location avec option d’achat : l’agriculteur s’installe, puis rachète quand son activité est bien établie. Côté épargne, ce sont des citoyens et citoyennes qui investissent dans un actif tangible : la terre agricole.
Concrètement, FEVE a déjà financé des dizaines de fermes, mobilisé des dizaines de millions d’euros d’épargne citoyenne et converti des milliers d’hectares à des pratiques plus durables.”
Quels sont tes engagements personnels pour une société plus juste et durable ?
“D’abord, mettre la finance au service du vivant. Chaque euro investi doit avoir un double dividende : social et écologique.
Ensuite, ouvrir des portes : je m’implique dans des écosystèmes d’impact, je parle sans détour de justice sociale (y compris fiscale) et je pousse pour des modèles gouvernés, transparents, labellisés.
Enfin, rester au contact du terrain : je donne régulièrement des coups de main dans des fermes, et ça remet les pieds sur terre… et surtout, j’adore ça. C’est un moment de partage : j’ai une chance folle de pouvoir le faire.”
En quoi l’agriculture est-elle à la croisée des chemins de notre société ?
“L’agriculture, c’est notre assiette, nos paysages, notre climat et des milliers d’emplois. On a devant nous un mur démographique : la moitié des agriculteurs part à la retraite d’ici 2030 — c’est maintenant ! Et en plus de cela, on a un impératif écologique. Si on rate la marche, on perd des fermes, du savoir-faire et de l’autonomie alimentaire ; si on la réussit, on crée des territoires résilients, des circuits courts et des emplois non délocalisables.”
Comment fonctionne l’investissement chez FEVE, concrètement ?
“Nous créons des foncières (SCA “LES FEVES”, “LES FEVES 2”) qui lèvent de l’épargne. La foncière achète des fermes sélectionnées, les loue avec option d’achat à des porteurs de projets accompagnés et suit leur impact (sols, biodiversité, emploi, circuits courts). Les investisseurs deviennent actionnaires d’actifs concrets, avec une gouvernance renforcée (entreprise à mission, comité de mission, label Finansol).”
Quels résultats tangibles à date ?
“On est en octobre 2025 et on a pu financer 41 fermes et installer plus de 60 agriculteurs et agricultrices partout en France. Ça représente plus de 40 millions d’euros déjà levés et, surtout, des milliers d’hectares convertis ou maintenus en pratiques agroécologiques. Les chiffres progressent vite d’année en année, portés par l’épargne citoyenne et quelques institutionnels engagés. On a pour ambition de financer 100 fermes par an !”
Pourquoi avoir quitté une “licorne” de l’IA pour retourner à l’agro ?
“Parce que l’agriculture, c’est stratégique. Après vingt ans dans la tech, j’ai voulu que mon énergie serve une infrastructure vitale : la capacité de nourrir le pays sans dégrader le vivant. Et parce que l’entrepreneuriat, c’est surtout choisir où l’on met sa compétence.”
Qu’est-ce qui te rend optimiste ?
“Je ne suis pas naïf, mais je suis optimiste par construction. Parce que je vois des signaux clairs : des citoyens qui veulent que leur argent ait du sens, des territoires qui se mobilisent pour préserver leurs terres, des jeunes qui choisissent l’agriculture, l’artisanat, le soin, plutôt que la course au profit.
Et surtout, des collectifs qui se réinventent partout en France. L’époque est exigeante, mais elle pousse à l’action. Et quand je vois ce qu’on construit ensemble — investisseurs, agriculteurs, collectivités — je me dis qu’on a déjà commencé à écrire une autre histoire.”
Pour aller plus loin
Découvrez le parcours inspirant de Marc Batty dans le podcast Génération Do It Yourself : “Quitter la tech après 20 ans pour soutenir les nouveaux agriculteurs : histoire d’une prise de conscience” → Écouter l’épisode

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